A peine sortis du village de Conques sur Orbiel, dans une température fraîche, les 21 Floripèdes sont tout heureux de sentir les premiers rayons de soleil chauffer leurs mollets. De plus, l’homme à la casquette rouge qui dirige la manœuvre impose un démarrage «Ferrari» qui oblige chacun à pousser suffisamment la mécanique pour ne plus sentir le froid…Tout ceci, sur un beau chemin caillouteux, au milieu des amandiers et des vignes, avec au loin la chaîne des Pyrénées enveloppée d’une légère brume évanescente.
Inutile de chercher les repères (pancartes et autres marques jaunes, blanches ou rouges), seul le cerveau du guide du jour connaît le tracé. Un ruban de bitume étroit nous conduit tout droit sur un champ photovoltaïque avec panneaux fixes et pivotants (en construction). Chacun de s’interroger sur cette façon d’exploiter les ressources naturelles (en l’occurrence le soleil) qui, le plus souvent, suscite moins d’oppositions que les éoliennes. Petit bémol, l’une d’entre nous a cru apercevoir un lac…!
Un changement de décor intervient ensuite puisque nous évoluons au milieu de la garrigue aux essences méditerranéennes bien présentes, avec une odeur de thym particulièrement prégnante. La sente aux pierres blanches est inondée de soleil, aussi un déshabillage intensif intervient, ce qui nous permet d’admirer le piémont toujours embrumé.
Au lieudit Villeraze, gratis…, nous déambulons au milieu de petits chênes verts sur le chemin des Capitelles (origine du nom dérivé du latin Caput, chef) ou «Capitèlo» : hutte, maisonnette non habitée où l’on renferme les outils. Il s’agit de cabanes en pierres sèches, c’est-à-dire sans mortier, servant autrefois d’abri temporaire. Au cas présent, ces capitelles ont été réhabilitées par une association de…Conquois (habitants de Conques sur Orbiel) et c’est pas c.. du tout !
Les pierres calcaires extraites et ramassées pour rendre un lieu propre à la culture (vigne,…) ou à l’élevage, sont entassées aux abords du terrain. Certaines pierres sont sélectionnées et mises de côté en vue de l’édification de murets de clôture, ou de ces fameux petits abris. La voûte est montée selon la technique de l’encorbellement : chaque pierre déborde de la précédente vers l’intérieur et est retenue à l’extérieur par le contrepoids formé notamment par une couverture de pierres spécialement choisies. L’étanchéité de la construction est assurée par la pose de cales, plus fines, entre les grosses pierres, forcément toujours un peu irrégulières. Enfin, l’entrée de la Capitelle peut être surmontée par une dalle horizontale formant linteau.
René (la science !) est incollable sur le sujet. Il évoque (en fonction des régions) une multitude d’appellations, qu’elles soient génériques, vernaculaires, savantes ou fantaisistes (capeline, oustalet, maset, borie, baracou, chambrette, nichette, galinière, pastourette,…il en existe près de 80 répertoriées, voir le
site LES NOMS DES CABANES EN PIERRE SÈCHE .La visite de l’une de ces capitelles se prolongeant un peu trop, un coup de sifflet strident du chef remet tout le monde sur le droit chemin bordé de pins. Cela ne nous empêche pas d’admirer longuement, quelques mètres plus loin, des «siamoises» (capitelles accolées).
Un très agréable petit sentier qui serpente dans la végétation nous conduit de capitelles en capitelles, puis à un panorama sur le Pic de Nore (1211 m) avec sa fragile congère de neige à ses pieds.. Geneviève se propose de mettre cette destination « montagne noire » prochainement au programme, de préférence par beau temps, ce qui, selon les anciens Floripèdes, est assez rare.
Le petit déjeuner étant depuis bien longtemps dans les talons, la pause repas est décidée unanimement à la vue de petits murets en pierres sèches permettant à la fois de se restaurer confortablement et, par la même occasion, de prendre un bain de soleil, chose assez rare pour un milieu de mois de décembre.
Le redémarrage s’effectue sur une sente en surplomb de la très belle vallée du Rieu sec qui coule (aujourd’hui) paisiblement au pied d’une blanche falaise. Au loin, nous apercevons la mine de Salsigne. C’était la plus grande mine d’or d’Europe, avant sa fermeture en 2004. Située dans la vallée de l’Orbiel, cette mine a alimenté pendant plus d’un siècle la France en métal jaune, mais aussi en argent ou en cuivre. Ancienne source de richesse pour le pays et la région, la mine est désormais considérée comme l’un des sites les plus pollués de France, à cause des centaines de milliers de tonnes de déchets toxiques laissées sur place. Les dernières inondations dans l’Aude, en 2018, ont diffusé cette pollution dans toute la vallée. Selon un journal local, alors que la norme de taux d’arsenic pour l’eau potable est fixée à 10 microgrammes par litre, l’eau retenue dans un bassin à moins de 10 km du village de Conques sur Orbiel affiche une concentration de 470 microgrammes d’arsenic par litre…
Après avoir traversé les vignobles du domaine de Rayssac, puis du château Salitis, nous apercevons au loin la tour du château fort de Conques sur Orbiel. Il est 14h30 lorsque nous retrouvons les voitures après avoir parcouru 19 kilomètres à bonne allure (dénivelé 240 m). Nous avons tout le temps de nous rendre au café voisin où Marie-Odile a l’extrême délicatesse de nous offrir la boisson de notre choix, à l’occasion de son anniversaire (dont la date est passée de quelques jours). Des remerciements sont également adressés au guide du jour qui, en compagnie de Marie-Jo, s’est déplacé en ce lieu dimanche dernier afin de reconnaître le tracé. En ce jour radieux, tout était millimétré, tout était parfait. Le moins que l’on puisse dire, c’est que sur le chemin des Capitelles, René a fait dans la dentelle !
Jean-Michel
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