«Tous les garçons et les filles de mon âge
Savent bien ce que c’est d’être heureux…».
Arrivés en ce lieu mondialement connu, il règne, parmi nous, une joyeuse effervescence. Pour rappel, le 21 décembre 2012, 300 journalistes (représentant 84 médias) venus de 18 pays différents sont massés au pied du Pic de Bugarach. Selon une rumeur apocalyptique, la montagne Audoise est l’unique endroit sur terre où il faut se trouver pour survivre à la fin du monde prévue ce jour-là par le calendrier maya. Le 22 décembre, le soulagement est général dans cette petite commune de la montagne noire, les journalistes sont partis et le dispositif de sécurité est levé…
Surnommé “la montagne aux sorcières” pour ses rocs décharnés aux formes fantastiques, le Pech de Bugarach accapare le regard. Il est le coup-de-poing minéral qui témoigne de la puissance du plissement Pyrénéen. Cette montagne à l’envers a vu les calcaires du jurassique basculer par-dessus les grés du crétacé. Par son magnétisme, le Bugarach entretient, aujourd’hui encore, une attirance pour les ésotéristes.
Voulant à tout prix déjouer une éventuelle attaque d’extraterrestres, les 9 Floripèdes (6 fées et 3 lutins) se divisent en deux groupes, afin de se lancer à l’assaut de ce vortex inversé. Selon la légende, cette montagne aux pouvoirs telluriques, le «Pech » abriterait une base extraterrestre et un garage à ovnis, ainsi que des « véhicules » aptes à sauver les esprits prévoyants d’un déluge de catastrophes.
Pas du tout superstitieux, nos guides ont choisi le 13 du mois… pour venir randonner dans cette contrée, afin certainement de rajouter une dose d’inconnu et de mystère à l’affaire. Le groupe de 5, avec Christine B à sa tête, emprunte le sentier qui fait le tour du Pech, pendant que le groupe de 4, avec Joël comme guide, attaque le circuit des crêtes et de la… cheminée.
Au col de Linas, sorties de nulle part, deux jeunes et jolies randonneuses nous disent bonjour, brièvement, avant de nous griller la politesse sur la ligne de départ. Gonflées les filles ! Le soleil brille, le ciel est d’un bleu éclatant, Ghislaine et Solange ravies du tour joué par les deux minettes au guide et à son adjoint, arborent un franc sourire (un peu moqueur sur les bords…).
Le sentier rocailleux qui serpente dans le bois de buis est très facile. Nous marquons de temps en temps un arrêt lorsqu’un point de vue se présente à nous. Qu’il s’agisse d’un coup d’œil sur le village de Bugarach, d’une vue panoramique sur les Pyrénées et les névés encore présents, tout est très beau. Il y a tant de belles choses. Plusieurs fois, nous cherchons à apercevoir nos petits copains dans la vallée, mais toujours sans succès. Nous effectuons une petite pause sur un replat qui nous permet d’embrasser ce panoramique fantastique.
Après un passage un peu technique, nous parvenons au sommet où plusieurs personnes sont, tout comme nous, fascinées par le paysage grandiose qui nous entoure : une vue sublime jusqu’à la mer, sur la crête du navire de Peyrepertuse, la Serre de Vingrau, au nord jusqu’à Carcassonne et le pic de Nore, mais aussi au sud sur la chaîne des pics Ariégeois et le Canigou. Il y a là un jeune couple, un couple dans nos âges, un mystique qui ne s’intéresse visiblement pas aux humains mais semble communier avec des cailloux…et puis nous retrouvons nos deux stars aperçues au départ avec qui nous plaisantons et échangeons des blagues et amabilités, avant de nous photographier mutuellement. Le grand amour quoi ! Profitant des circonstances favorables, l’adjoint du guide souhaite qu’elles nous accompagnent au coin de la cheminée… mais les deux Carcassonnaises préfèrent respecter leur programme prévu. Ce sera le bug… du Bugarach, en quelque sorte !
Nous entamons la descente très prudemment, car de nombreuses pierres glissent sous nos pieds. Très rapidement, des choses très sérieuses se présentent à nous sur ces crêtes. D’abord, deux passages risqués nécessitent une grande concentration et une grande agilité. Plus loin, un à-pic vertigineux nous oblige à choisir avec beaucoup de calme l’endroit précis où nous allons effectuer chaque prise avec nos mains et sélectionner la pierre de réception pour nos pieds. Pendant que le guide caracole en tête, son adjoint encourage ses deux copines. Un groupe d’une quinzaine de randonneurs, en pleine ascension, attend avec patience et compréhension que nous quittions cette arête.
Plus bas, en amont de la cheminée, le guide est en pleine réflexion. Il se félicite d’avoir emporté avec lui une corde, car le passage n’est pas sécurisé et de ce fait, il est périlleux. La décision est prise par lui de mettre à l’épreuve du feu… son jeune adjoint et de le précipiter le premier dans la cheminée…Très appliqué, corde en mains et petits picotements dans l’estomac, le bougre ne s’en sort pas trop mal. Une fois la corde mise correctement en place, c’est au tour des gentes dames de faire preuve de courage. Solange décide de laisser une marque de son passage (un petit souvenir) en abandonnant sur une face du rocher un peu de vernis de son coude (rien de grave). Forte de l’expérience de sa copine, Ghislaine opte pour un choix de descente différent et passe l’obstacle. A la sortie de la cheminée, un courtois randonneur, qui monte, ne tarit pas d’éloges sur nos deux montagnardes.
Par deux fois encore, il sera nécessaire d’utiliser la corde, mais les passages ne sont tout de même pas aussi « chauds » que dans la cheminée. La descente se poursuit ensuite sur les crêtes, au milieu d’une flore très colorée et avec le parfum du thym qui nous enivre. Ces dames réclamant la pause déjeuner, les deux galants leur donnent satisfaction. En guise de dessert, nous écoutons avec nostalgie : l’amitié (1967) de Françoise Hardy
« Beaucoup de mes amis sont venus des nuages
Avec soleil et pluie comme simples bagages
Ils ont fait la saison des amitiés sincères
La plus belle saison des quatre de la terreIls ont cette douceur des plus beaux paysages
Et la fidélité des oiseaux de passage
Dans leur cœurs est gravée une infinie tendresse
Mais parfois dans leurs yeux se glisse la tristesse ».
Un peu émus, à la fois par la douce voix de cette icône discrète et par le magnifique paysage des contre forts Pyrénéens recouverts d’une légère brume, nous redémarrons sur un sentier de crête, avec des pierres qui roulent sous nos chaussures. Nous sommes maintenant sur une portion de GR parcourue ce matin, dans l’autre sens, par nos copains Floripèdes. L’ombre est la bienvenue dans un bois ressemblant à une cathédrale de verdure. Ensuite, le final se déroule avec le chant des grillons, au milieu de prairies odorantes garnies de marguerites et bordées d’orchidées.
A Rennes les Bains, la terrasse du bar le Tuk Tuk est proposée comme lieu de rassemblement, après 11 km pour 700 m de dénivelé pour les « cheministes » (et non pas « fumistes »…) et 16 km pour 750m de dénivelé pour nos collègues « cascadeurs » qui ont apprécié eux aussi cette belle sortie et notamment la cascade des Mathieux. Sauf que, pour une raison inconnue, sans doute un coup des extraterrestres…, nos amis se sont dirigés non pas à Rennes les Bains mais à Rennes le château, chez l’abbé Saunière. Du coup, c’est… par téléphone que nous avons pu échanger nos impressions.
«Dans l’espace qui lie le ciel et la terre
Se cache le plus grand des mystèresComme la brume voilant l’aurore,
Il y a tant de belles choses … »
Extrait de la chanson de Françoise Hardy
Et nous sommes tombés d’accord sur le fait que nous avons vécu aujourd’hui, tant de belles choses… !
Jean-Michel
Merci Christine pour ton compliment. Au sujet du « manque de pot « … , on ne peut que se réjouir du fait que les animateurs des Floripèdes soient très doués pour suivre le bon itinéraire, et un peu moins forts lorsqu’il s’agit de trouver le chemin du bistrot… JM.
Merci pour ce beau compte-rendu Jean-Michel, terrible le récit de la cheminée! Quant au rdv manqué à la fin, moi aussi je pense que c’est un coup de l’abbé Saunière!