CR de Jean-Michel – Le Travet (Tarn) – 7 mars 2024 – menée par Pierre D.

Le Travet (Tarn)

« La terre que nous foulons aux pieds est faite avec l’histoire. Nous l’aimerions davantage si nous savions mieux la comprendre » (E. Haraucourt). Telle est la maxime que l’on trouve en page de garde du petit opuscule intitulé « Le Travet ». Celui-ci, rédigé par un ancien instituteur du village (à l’époque de la naissance de la T.S.F), indique que le nom viendrait du mot entrave. Le Travet serait donc, à l’origine, une entrave, certainement le lieu où existait une fortification en bois.

A quelques encablures du Travet, nous sommes 13 Floripèdes (9 Vénus, 4 Apollons) à avoir dénoué, non sans mérite, les embrouilles du jeu de pistes permettant de trouver le lieu de rendez-vous, dans ce coin du Tarn, excentré de tous les grands axes. Un vent très frais nous accueille, aussi nous nous dépêchons de traverser  la cour de la ferme de Costes-Auriès, pleine de gadoue…, afin de prendre la direction de la vallée sauvage du Dadou.

Rapidement, nous plongeons dans une forêt sombre et mystérieuse à l’ambiance onirique, comme sortie d’un conte de fées… ou plutôt de sorcières. En effet, le magnifique sentier est bordé d’arbres aux branches recouvertes de mousse qui laissent passer délicatement quelques rares rayons de soleil. Le chemin est agrémenté de petits panneaux en occitan, avec la traduction en Français. C’est ainsi que l’on peut lire sur l’un d’eux, alors que nous sommes complétement gelés : « quand il faisait très froid, on allumait la cheminée. Pour chauffer le lit, on mettait le moine avec une chaufferette pleine de braises. Et puis, avec la Mamé, on mettait le bonnet de nuit et on se serrait bien fort pour ne pas avoir froid ».

Tout en bas dans la vallée, l’aventure prend des dimensions inquiétantes. Il nous faut traverser un pont de singe qui balance dangereusement au-dessus d’un cours d’eau à l’allure d’un rapide. Visiblement le guide du jour, Pierre, n’est pas inquiet. Il s’assure simplement que tout le monde ne passe pas en même temps sur cette fragile passerelle en cordes. Plus loin, nous nous arrêtons dans une clairière ensoleillée où nous prenons des forces et nous déshabillons un peu.

De là, nous rejoignons un bout de GR36 pour aller admirer les Cascades d’Arifat. Quel beau spectacle nous attend. On peut observer, en enfilade, ces chutes de 80 m façonnées par le ruisseau dans un décor rocailleux recouvert de centaines de jonquilles en fleur. Le ruisseau des Bardes a créé des marmites au biotope fragile imprégné d’une humidité quasi permanente. On peut y apercevoir le cincle plongeur et la bergeronnette qui profitent des larves et éphémères, tandis que la plus grande des fougères, l’osmonde royale y déploie ses immenses feuilles.

Peu après, un passage délicat, avec câble…,  oblige les belles randonneuses à se conformer aux ordres du guide. Il leur faut se mettre face à la paroi et descendre les marches, en priant pour que tout se passe bien. A peine le temps de reprendre son souffle et voici la troupe qui franchit le deuxième pont de singe de la journée. De l’autre côté, un bon raidillon exposé au nord nous permet de découvrir au-dessus des cascades, de grandes dalles ornées de jonquilles, de nombrils de Vénus, et du très rare Saxifrage de l’écluse. Comme c’est l’heure de casser la dalle…, le guide décrète l’arrêt pour déjeuner, bien qu’il ne soit pas encore midi. Comme nous sommes 13, et qu’il y a parmi nous quelques superstitieux, nous nous installons à deux tables différentes. L’une au nord, l’autre au sud.

Pour le redémarrage, le guide nous offre, en guise de dessert, une portion de goudron…Mais, un peu plus loin, et c’est tant mieux, nous retrouvons l’itinéraire initial de la vallée sauvage. On s’immerge à nouveau dans la nature vraie avec comme seule sonorité perceptible le gazouillis des oiseaux. Malheureusement, après avoir dépassé le Château de Castelroc, le sentier est barré à cause de coupes de bois en cours, aussi nous devons emprunter la D13. La  détresse, est de courte durée. De plus, tout en bas, le Dadou ronronne.

Une déambulation agréable le long du cours d’eau, au milieu des jonquilles, est soudain interrompue par la traversée d’un petit ruisseau. Chacun et chacune cherche le meilleur endroit pour franchir l’obstacle. L’une d’entre nous, habituée aux infiltrations…prend un bain de siège (aux multiples bienfaits), sous les hourras de la foule. A la décharge de la naïade, le chevalier servant censé lui donner un coup de main, ne s’est pas montré très dégourdi. Par pudeur, nous ne citerons pas son nom, on dira simplement qu’il prétend ne pas se… mouiller dans la rédaction de ses comptes rendus.

C’est à cet endroit que l’on peut lire un panneau sur lequel il est indiqué : « Quelle que soit la direction prise, marcher mène à l’essentiel ». Sauf que, deux minutes après, un passage très technique oblige la moitié de la troupe à prendre un bon bain de pieds, décidément … Le guide, qui y prend certainement goût (pourtant il ne possède aucun brevet de plongée), nous offre un troisième gué d’affilée. Tout le monde dégouline, d’eau ou de sueurs… froides. Enfin, l’ultime montée, boueuse à souhait, achève les plus intrépides.

S’il nous fallait une confirmation nous l’avons, ce Pierre est un Sioux, un Apache, un fou, un vrai sauvage ! Il faut le voir sauter de rochers en rochers, marcher sur l’eau, traverser à toute allure les ponts de singe. Ce type va certainement tourner dans le prochain film d’Indiana Jones intitulé : « les aventuriers de l’arche perdue au-dessus du Dadou rhum-rhum ». Bref, Pierre nous a régalés sur cette splendide balade très sauvage, de 17 km pour un dénivelé de 611 mètres, avec passerelles de cordes, forêts oniriques, cascades bouillonnantes, paysages sublimes et… bain gratuit. A l’arrivée aux voitures, il croule sous un tonnerre d’applaudissements. William Shakespeare disait : « C’est un malheur du temps que les fous guident les aveugles ». Certes, mais alors qu’est-ce qu’on s’est régalés !

Jean-Michel

Il ne reste qu'un commentaire Aller aux commentaires

  1. PAUL CHAPELLIER /

    Top C.R. comme toujours
    merci Jean Michel !

Laisser un commentaire