CR de Jean-Michel – Trassanel le Roc de l’aigle – le 11 nov. 2021

Les douze Floripèdes (6-6, parité respectée) qui envahissent le village perdu de Trassanel, sur le coup de 9h, tombent sur la seule âme qui vive dans ce lieu désertique. En effet, un chasseur, en tenue orange et à la mine peu sympathique, nous indique que comme il n’y a aucune trace de sangliers dans le coin, lui et ses congénères vont promener leurs fusils ailleurs. Merci les sangliers…, la voie est libre, et c’est tellement mieux ainsi.
 A peine avons-nous fait quelques mètres que nous tombons sur une stèle de marbre rouge qui force l’arrêt. Ce lieu chargé d’histoire nous oblige à avoir une pensée pour tous ces maquisards tombés au champ d’honneur. Avec le lien qui suit, il est possible de lire le récit (glaçant) de la confrontation entre la Wehrmacht et le maquis Armagnac (du nom de son chef Antoine Armagnac), et de prendre connaissance des atrocités commises sur ce bout de massif calcaire, en ce triste jour du 8 août 1944 : https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article201872. En résumé, ce jour-là, ce village paye un très lourd tribut à l’histoire moderne. Les résistants du maquis Armagnac tombent sous les balles de l’ennemi après un combat sanglant autour de la petite grotte où les jeunes viennent de se réfugier. Quelques heures plus tard, les exécutions sommaires aux abords des maisons marqueront à jamais les Trassanellois. Le sentier que nous empruntons porte d’ailleurs le nom de sentier du 8 aôut 1944.
Sous les ordres de la guide Ghislaine nous amorçons une grande descente à la roche extrêmement glissante. Michel ouvre la piste et impose, à juste titre, une grande prudence. Tellement bien que lorsqu’un coup de sifflet retentit, nous sommes persuadés, à l’avant, que quelqu’un est tombé à l’arrière. Que nenni, Martine s’est tout simplement imaginée que nous avons égaré l’un des nôtres, ce qui est faux (Aubert, pas par coquetterie, a tout simplement changé radicalement de tenue en se mettant en mode pluie). Le regroupement qui s’en suit permet d’ailleurs à beaucoup de se couvrir de pied en cap. Le fond de la vallée se couvre de brume.
Plus loin, une grotte d’environ cinquante mètres de long voit le groupe se diviser en deux. Les 6 « spéléologues » attiré(e)s par les stalactites, à la lumière de la frontale, et les 6 « bavard(e)s » trop occupé(e)s à faire… la causette.  Une fois regroupés, alors que des effluves légers et agréables du thym effleurent nos narines, nous devons faire face à une sévère montée.
Une deuxième grotte provoque une halte « carambar ». Le temps de lire quelques blagues éponymes, nous assistons, quelques mètres plus haut, à la cabriole du jour. L’une d’entre nous fait une élégante voltige qui l’oblige à faire connaissance avec…un arbre. Le concept est quasiment identique à « adopte un mec » mais…en plus violent ! Après ce petit incident, heureusement sans gravité, sous un ciel à nouveau plombé, un chemin caillouteux nous conduit au pied du Roc de l’aigle (à ne pas confondre avec le Roc de l’aigle -1219 mètres- proche de Sisteron, dans les Alpes de Haute-Provence).
Dopée par les gouttes de pluie, Françoise est la première au sommet (685 mètres), et fait s’envoler l’aigle du roc. L’aplomb vertigineux sur le village aux tuiles rouges et aux champs d’oliviers soignés du village de Cabrespine, tout en bas, est impressionnant. Malgré le vent qui souffle, du fait des nuages présents, il nous faudra revenir une autre fois pour admirer dans le lointain, le pic de Nore, les sommets Pyrénéens et notamment le Canigou. Nous nous contentons d’observer les vallons constitués de maquis, de garrigues, qui sont  tachetés par endroit par les couleurs d’or et de feu des châtaigneraies.
Le chemin forestier que nous suivons est bordé de très nombreuses amanites tue-mouches (hallucinogènes, mais rarement mortelles) dont la couleur rouge vif tranche avec le jaune et le noir de deux salamandres tachetées. La peau de celles-ci comporte une fine couche de mucus empoisonné par une neurotoxine. Malheureusement, elles sont dans un sale état suite au passage d’un camion ou autre véhicule.
Solange, dont l’estomac crie famine depuis un moment, propose à Ghislaine un endroit pour la halte déjeuner au milieu des cistes cotonneux, genévriers et autres petits chênes. Lorsque vient le moment du dessert  « le diable bat sa femme » (selon Joël)…. il pleut et il fait soleil à la fois (dicton ayant pour origine une sombre histoire de jalousie entre Jupiter et Junon, dans la mythologie).
Très rapidement, nous sommes de retour à Trassanel. Ghislaine, qui cache bien son jeu en nous montrant sa carte réduite en bouillie par la pluie, a prévu pour l’après-midi une escapade sur un environnement différent du matin. Fini le maquis, nous traversons maintenant des plantations de chênes truffiers. La truffe Audoise, noire ou blanche en fonction de la saison, se vend sur les marchés toute l’année avec les produits truffés Pays cathare : sel truffé, risotto de truffes, jus de truffe, glace à la truffe…Ensuite, nous plongeons dans un magnifique sentier (GR36) que Philippe et Claude reconnaissent pour l’avoir déjà pratiqué, au milieu d’une somptueuse forêt de chênes et de châtaigniers. Cerise sur le gâteau, le ciel bleu est présent. Pour fêter le retour du soleil, Jacques (certainement nostalgique de l’été) déambule en tee-shirt et les mains dans les poches, en fredonnant une chanson qu’il est le seul à connaître…
Après avoir admiré un point de vue au-dessus du lieu-dit Marmorières (sur la commune de Limousis, dont la grotte du même nom, creusée par une rivière souterraine, est d’une longueur de 800 m), le petit nouveau se dévoue pour prendre en photo ses nouveaux copains et nouvelles copines (bien que certaines soient décoiffées…).
Le retour aux voitures se fait dans la joie et la bonne humeur, avec ce soleil qui ne nous quitte plus. Les chiffres tombent : 18 kms, environ 800 mètres de dénivelé. Ghislaine notre guide du jour reçoit des félicitations méritées, notamment pour avoir eu l’idée géniale d’alterner des paysages sauvages différents, le matin et l’après-midi. La nature à la fois nourrit le corps et l’âme, qui sait le ressentir aura toujours la flamme.
Jean-Michel

Il reste 5 commentaires Aller aux commentaires

  1. Mireille T /

    OK vous avez raison, j’aurais dû être plus précise ! Je pensais à ceux, comme toi, Jp, comme moi (et plus tard d’autres …) qui ne pouvons plus suivre le rythme !
    J’aurai dû écrire quelque chose comme : « Grâce à tes CR si complets et si riches, on peut partir en montagne virtuellement »

    M.T.

    1. Jean-Michel Bru /

      Ce débat de fond me plaît bien. Lorsque l’on se lance sur la rédaction d’un CR, on se demande toujours si ce que l’on écrit va être lu, et surtout est ce que quelques lecteurs (faire l’unanimité est utopique) vont y trouver un intérêt (aussi faible soit il). La réponse de Mireille est sans équivoque,les éléments du récit lui permettent de « presque » vivre la rando. Merci la miss pour ce commentaire élogieux.

  2. Jean-Pierre / Auteur du Post

    Mireille, ton idée paradoxale m’interloque… Si la rando disparaît, la prose n’existe pas ET bonjour l’ambiance !!!
    jp

    1. Bru Jean-Michel /

      Chers collègues rédacteurs et amis, je vais essayer de vous mettre d’accord, en essayant de vous expliquer que tous les deux vous êtes dans le vrai. Oui Mireille a raison lorsque qu’elle dit que je ne laisse aucun détail au hasard (surtout s’il est un brin humoristique… ), mais je rejoins JP car je suis obligé d’avouer que je suis un peu dans la provocation, dans le style si vous avez raté cette rando, il serait dommage de manquer la suivante…!

  3. Mireille /

    Bravo J-M; tu es sûr que tu n’as rien oublié ? Bientôt, nous n’aurons plus besoin de faire la rando ! Il suffira de lire ta prose, si détaillée, si agréable pour se mettre dans l’ambiance. Merci !

    Mireille T.

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